Wilson Tarbox is an Art Historian, Critic and writer based in Paris, France.

Laura Poitras “Toute la beauté et le sang versé”

Laura Poitras “Toute la beauté et le sang versé”

Laura Poitras consacre un documentaire à Nan Goldin, artiste et activiste luttant notamment contre la famille Sackler, responsable d’une crise des opiacés.

Le film Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras s’ouvre sur un petit groupe de militantes agglutinées sur le trottoir près du Metropolitan Museum of Art (Met) de New York. Un complot est en train de se nouer. Ensuite, des images de l’intérieur du Met. La caméra fait un panoramique sur l’enseigne de l’aile où se trouve la collection égyptienne : l’aile Sackler, ces méga-mécènes du monde de l’art qui ont fait fortune dans la fabrication d’opioïdes hyper addictifs. Les gardiens renvoient des regards méfiants. Puis quelqu’un se met à crier : “Honte à Sackler”. Les autres se joignent à lui comme un chœur grec. Les vestes tombent au sol, révélant des t-shirts ornés des initiales “P.A.I.N” (Painkiller Addiction Intervention Now). Des flacons de pilules oranges sont jetés en l’air et dans le bassin autour du temple d’Isis de Dendur. Alors que les gardiens tentent frénétiquement d’arracher les banderoles, les activistes mettent en scène un die-in – simulant la mort. À la fois performance et manifestation, ils tombent au sol, mous et immobiles, à l’exception de leur chant continu.



MALAISE PALPABLE

 
C’est ainsi, in medias res, que débute le portrait polyfocal de la vie et l’œuvre de la photographe américaine Nan Goldin : avec une action à la croisée de l’art et de la politique. Non linéaire, le film emmène le spectateur à travers l’enfance de Goldin dans une famille dysfonctionnelle de la banlieue de Boston. Grâce à la création artistique, Goldin s’échappa à la Satya Community School où elle rencontra David Armstrong. Avec Armstrong, Goldin découvrit l’identité queer puis la scène No Wave de la fin des années 1970 à New York. En compagnie d’autres figures de la contreculture du Bowery, comme Cookie Mueller, Goldin photographie la vie des acteurs de cette scène. Ces images capturent un monde bientôt décimé par la crise du sida dans les années 1980. Muller et beaucoup de ceux qui figurent dans le film The Ballad of Sexual Dependency (1985) de Goldin mourront de la maladie.

La crise a également permis à Goldin de faire ses premiers pas dans l’activisme. À la fin de 1989, elle organise l’exposition Witnesses: Against Our Vanishing, présentant les œuvres d’amis et de collègues artistes, dont David Wojnarowicz, qui décèdera du sida en 1992. L’exposition provoqua une confrontation entre le National Endowment for the Arts (NEA), sponsor qui retira son soutien, invoquant la nature politique de l’événement, et Act Up, groupe de défense des droits des personnes atteintes du VIH fondé en 1987. Act Up l’emporta et le NEA se vit obligé de débloquer l’argent.

La deuxième partie du film retrace les actions cette fois récentes que Goldin et le groupe P.A.I.N. menèrent dans divers musées et galeries portant le nom de Sackler. Depuis, la plupart des établissements, y compris le Louvre en 2019, ont effacé “Sackler” de leurs entrées et murs de mécénat. À part ces victoires impressionnantes, une scène étonnante montre David, Richard et Theresa Sackler auxquels un juge ordonne d’écouter les témoignages de leurs victimes. À une époque où la richesse semble “protéger” de la justice, le malaise palpable des milliardaires confrontés au coût humain de leur exploitation est profondément satisfaisant.
 

[lire l’article sur artpress.com]

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