Napoléon : la longue marche de l’apologie vers l’histoire
[lire sur le site de Cause Commune]
Il y a deux cents ans Napoléon s’éteint à Saint-Hélène. Aujourd’hui, la Réunion des musées nationaux (RMN) célèbre le bicentenaire de sa mort avec une immense exposition à la grande halle de La Villette. Ici tout est à échelle impériale, à commencer par l’entrée où les bannières noires au nom de « Napoléon » en lettres jaunes fluorescentes font plus penser à l’avant-première d’un défilé de mode qu’à une exposition d’art et d’histoire. À l’intérieur, l’esthétique est moins moderne mais tout aussi pompeuse : blason napoléonien, tapis rouges, dorures, etc.
Grâce aux vidéos qui scandent le parcours, l’exposition réussit à être didactique sans inonder le visiteur d’information textuelle. Elles servent à expliquer l’iconographie de certains tableaux, commeLe Sacre de Napoléon (1805-1807) par Jacques-Louis David, et à démêler un contexte historique parfois dense et compliqué.
À titre d’exemple, le sujet épineux de l’esclavage bénéficie de deux écrans juxtaposés aux documents originaux du décret-loi du 20 mai 1802 et l’arrêté consulaire du 16 juillet 1802. Ces derniers, signés par Napoléon Bonaparte, ont effacé les effets du décret d’abolition de l’esclavage du 4 février 1794. Un documentaire à ce propos, réalisé par Mathieu Glissant avec la participation de l’écrivain Patrick Chamoiseau et de l’historien Frédéric Régent, s’affiche sur l’un des écrans. Sur l’autre, proposé par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME), l’historien Marcel Dorigny et la professeure Marlene Daut décryptent les enjeux de la politique coloniale de Bonaparte et de ses conséquences dans les colonies et en métropole. La participation de la FME pour la première fois dans un événement destiné au grand public marque ainsi une étape nouvelle dans la muséologie napoléonienne, prenant en considération un récit historique plus équilibré